Le gouverneur de l’Oregon
Greer, Cameron et Magic Child se rendirent chez le forgeron pour se procurer des chevaux. Ils devaient partir le lendemain matin pour aller chez Miss Hawkline, et ils voulaient être certains d’avoir des chevaux prêts à l’aube.
Le forgeron possédait une sélection d’étranges chevaux qu’il louait parfois aux gens dont la tête lui revenait. Ce soir-là, il avait bu un seau de bière avec son dîner et il était d’excellente humeur.
— Alors, Magic Child, dit-il. On ne te voyait plus. Tu étais en voyage ? J’ai entendu dire qu’on tuait des gens à Gompville. Je m’appelle Pills, ajouta-t-il, s’adressant à Greer et Cameron et en leur tendant une main devenue amicale par la bière qu’il avait bue. Je m’occupe des chevaux, ici.
— Il nous faudra des chevaux demain matin, dit Magic Child. Nous allons chez Miss Hawkline.
— Je crois que je peux vous arranger ça. Il y en aura bien un qui sera capable d’aller jusque-là, si vous avez de la chance.
Pills adorait faire des plaisanteries au sujet de ses chevaux. Il avait la réputation d’avoir les pires chevaux jamais réunis dans un même corral.
L’un de ses chevaux avait l’échine si creuse qu’on aurait dit un quartier de lune en octobre. Il avait baptisé ce cheval Cairo, et il disait aux gens : voici un cheval égyptien.
Un autre cheval n’avait plus d’oreilles. Un cow-boy ivre les avaient arrachées à coups de dents pour gagner un pari de cinquante cents.
— Je te parie cinquante cents que je suis assez saoul pour arracher à coups de dents les oreilles d’un cheval.
— Bon dieu ! t’es pas assez saoul pour ça !
Un autre encore buvait du whiskey. On mettait un quart de whiskey dans son seau et il l’avalait d’un coup, puis il tombait raide sur le côté, et tout le monde de s’esclaffer.
Mais le pompon de la collection avait un sabot en bois. Il était né sans sabot arrière droit et quelqu’un lui en avait sculpté un dans un morceau de bois ; mais cette personne, un peu malade de la tête, s’était trompée en le sculptant, et ce sabot en bois ressemblait moins à un sabot de cheval qu’à une patte de canard. Et c’était vraiment insolite de voir ce cheval se promener avec une patte de canard en bois.
Un jour, un politicien avait fait tout le long chemin depuis La Grande, dans le seul but de voir ces chevaux. Et l’on prétendait même que le gouverneur de l’Oregon en avait entendu parler.